La Roseraie, un "éco-quartier" ?

25, October 2020

Une équipe de l’association Chartres écologie, composée d’urbanistes, d’architectes et de paysagistes, s’est rendue dans le nouveau quartier de la Roseraie, au nord de Rechèvres, qui sera composé à terme d’environ 700 logements. Alors, simple quartier ou éco-quartier ?

La Ville de Chartres, dans sa communication officielle, décrit le quartier de la Roseraie comme un « quartier pilote », dont « les bâtiments s’inscrivent dans une démarche d’éco-ville », ou encore qu’il est la vitrine de la ville en matière de préoccupation environnementale ». Il paraît même que « les toitures sont végétalisées, des matériaux naturels et durables comme le bois ou la brique ont été utilisés ».

Nous avons voulu vérifier l’image idyllique exposée ci-dessus

Le choix de l’étalement urbain

Construit en étalement urbain sur vingt hectares de terres agricoles encore cultivées il y a dix ans, ce quartier est responsable de la disparition progressive des dernières terres agricoles de la ville de Chartres. Ces terres étaient historiquement très appréciées en matière de maraîchage et de culture de fleurs, d’où la toponymie « la Roseraie ». La proximité de l’eau, indispensable à l’irrigation des cultures, et la qualité des terres faisaient de ce secteur un lieu propice à l’activité agricole. Tout cela a disparu sous le prétexte de la réponse à apporter en matière de besoin en logements, tandis qu’à deux pas, le renouvellement du quartier de Rechèvres patine toujours, laissant de vastes friches inoccupées.

Une monofonctionnalité résidentielle

Aucune vie, aucun arbre, des espaces minéralisés à côté d’une architecture pauvre. De l’habitat, rien que de l’habitat ! Le quartier est constitué quasi exclusivement d’immeubles cubiques de deux étages. L’architecture est pauvre. L’absence d’équipements, de commerces, de bureaux est marquante, presque pesante. Rien que du logement, entouré de stationnement dans des cours bétonnées. La rentabilité d’abord ! Le projet prévoyait pourtant initialement la construction d’une école…, mais il semble bien que cet équipement ait été définitivement abandonné.

Des matériaux pas si durables

À l’heure où de nombreuses villes privilégient des matériaux durables, bio-sourcés, d’origine locale, pour réduire leur bilan carbone et épargner les ressources non renouvelables (le sable, par exemple), le béton (parpaing) reste ici la matière première privilégiée des récentes constructions. La part du bois est quasi inexistante. En prenant un peu de hauteur sur le plateau de Rechèvres, la vue plongeante permet aisément de distinguer l’absence de toitures végétalisées, contrairement aux dires du magazine Votre Ville. Celles-ci sont pourtant si utiles pour le maintien de la biodiversité urbaine et contre les îlots de chaleur urbains.

Un secteur bruyant longé par la voie ferrée et survolé par les avions

La voie ferrée est située à quelques mètres des constructions. Le quartier se positionne au croisement de la rue du Bourgneuf, très circulée, et la voie ferrée (Paris-le Mans). Certaines constructions sont réalisées à quelques mètres seulement du passage des trains. Il est également soumis au survol incessant des avions de l’aérodrome de Chartres… En matière de tranquillité, on aurait pu faire tellement mieux ! Par ailleurs, la nouvelle rue Edouard-Lefèvre, construite dans la pente du coteau, reçoit depuis quelques jours un trafic beaucoup plus important étant donné le plan de circulation mis en place.

Une absence de ligne de bus

En matière d’espaces publics, il faut reconnaître une certaine qualité de l’espace paysager accompagnant les liaisons douces, où la gestion des eaux pluviales est assurée par des dispositifs sur site, permettant l’infiltration, ce qui n’est pas exemplaire, mais seulement réglementaire désormais. Il est cependant regrettable que ce quartier ne soit pas relié à la voie verte des bords de l’Eure, comme il était pourtant question en bas de la rue Edouard-Lefèvre. Néanmoins, les liaisons douces ne répondent pas à tous les besoins en déplacements. Aucune ligne de bus n’est présente dans ce quartier ! Les habitants doivent remonter sur le plateau pour rejoindre la ligne 8, ou bien descendre rue du Bourgneuf s’ils souhaitent emprunter la ligne 3, tout cela avec des fréquences et amplitudes qui ne satisfont pas les habitants. La ligne 8, non recalibrée depuis la création du quartier des Boissières à Lèves, est d’ailleurs déjà saturée.

Des constructions qui altèrent définitivement le paysage

Le coteau du plateau de Rechèvres présente encore des espaces de qualité en matière de vues sur le coteau opposé, boisé, surplombant la vallée de l’Eure. Cet espace encore ouvert sur la partie haute du coteau risque de progressivement disparaitre au fur et à mesure de la construction de la phase 2 de la Roseraie. Cette urbanisation en étalement urbain privera également les vues sur la cathédrale de Chartres, depuis le coteau, vues pourtant protégées par la directive paysagère.

Non, la Roseraie n’est pas un éco-quartier !

Construit en étalement urbain là où la qualité des terres permettait d’assurer l’approvisionnement local de fleurs et de légumes, présentant une mono fonctionnalité résidentielle, bâtie récemment en béton et parpaing, dans un secteur bruyant longé par les trains et survolé par les avions, mais non desservi par les transports en commun, « l’écoquartier » de la Roseraie n’a véritablement pas grand-chose à voir avec les standards mis en place dans des communes proches… Pourtant, en 2016, le maire de Chartres affirmait : « Nous ne sommes pas là pour préparer la ville de demain mais celle de dans cinquante ans ». Preuve en est que, loin de la communication soignée, la ville poursuit son retard en la matière ! La création d’un pôle administratif unique et le développement du stationnement en centre-ville portent pourtant la marque des années 1960.

Ainsi, contrairement à 500 quartiers en France, ce site n’est pas labellisé « éco-quartier » par le site officiel cohesion-territoires.gouv.fr.